Le concept de concurrence déloyale en général, et celui de détournement de clientèle en particulier, sème la confusion dans l’esprit de beaucoup. Comment une telle faute se caractérise-t-elle ? Qui peut la commettre ? Quelles sont les voies de recours ? Autant de questions qu’il est important de se poser afin de pouvoir agir et vous défendre si vous êtes chef d’entreprise. Voici ce qu’il faut savoir sur cette pratique qui, si elle est souvent rencontrée, demeure mal reconnue et trop peu combattue.
Le détournement de clientèle : définition, fondement juridique, caractéristiques
L’une des raisons principales pour lesquelles le détournement de clientèle ne fait pas toujours l’objet d’autant d’attention qu’il le mérite est que cette notion n’est pas explicitement circonscrite par la loi. De plus, elle se traduit par différents actes qu’il convient de considérer individuellement. Le détournement de clientèle peut en effet être le résultat d’une simple confusion, d’un dénigrement, de parasitisme ou même d’une désorganisation de l’entreprise.
La Cour de cassation offre cependant une définition permettant de caractériser les actes de concurrence déloyale (dont le détournement de clientèle fait partie) dans un arrêt du 22 octobre 1985. Elle y précise qu’il s’agit d’un « abus de liberté du commerce, causant volontairement ou non, un trouble commercial ». C’est dans les articles 1240 et 1241 du Code civil concernant la responsabilité civile que la concurrence déloyale trouve son fondement juridique.
Le lien de causalité
En raison de ces définitions, il n’est possible de parler de détournement de clientèle que s’il existe un lien de causalité entre celui-ci et une faute préjudiciable à l’entreprise. Le préjudice lui-même est propre à adopter diverses natures, pouvant aller d’une baisse de chiffre d’affaires à une perte de développement ou de clientèle, voire une mise en péril de la société.
Établir un lien de causalité sans mettre à mal le principe de libre concurrence est un exercice complexe. Il implique de trouver une corrélation entre un acte de déloyauté commis, un détournement de clientèle qui en résulte, et un préjudice découlant de celui-ci. Cependant, il faut garder à l’esprit que les actes de concurrence déloyale ne sont pas les seuls à pouvoir contribuer à une baisse d’activité ou à une perte de chiffre d’affaires. C’est pourquoi la jurisprudence demande une preuve palpable du lien de causalité entre faute et préjudice.
Qui peut commettre un acte de détournement de clientèle ?
Différents acteurs sont susceptibles de procéder à un détournement de clientèle. Si celui-ci est souvent associé aux agissements de personnes physiques, il demeure possible pour des entités morales de commettre de telles fautes. Ainsi, un salarié, un sous-traitant, un collaborateur ou encore une entreprise concurrente peuvent se livrer à des actes de concurrence déloyale sous la forme d’un détournement de clientèle.
Les salariés et ex-salariés
Les règles qui s’appliquent aux salariés avant ou après rupture de contrat dépendent de plusieurs facteurs. Un salarié remplissant toujours ses fonctions au sein de l’entreprise est tenu, par une obligation de loyauté, d’agir dans l’intérêt de celle-ci sans que la moindre clause expresse soit présente sur son contrat de travail. Cela signifie qu’il ne peut exercer aucune activité concurrente. Inciter la clientèle de l’entreprise à se tourner vers la concurrence, peut conduire un salarié à être licencié pour faute grave.
S’ils n’emploient pas de procédés déloyaux, en revanche, les anciens salariés ont le droit de démarcher la clientèle de leur ancien employeur. Des pénalités sont en revanche tout à fait légitimes s’ils commettent un abus de confiance, notamment s’ils détournent des éléments matériels (fichier client) pour arriver à leurs fins. Il est à noter que les ex-salariés n’ont pas forcément l’intention de nuire, mais ignorent parfois quels sont leurs droits et devoirs suite à une rupture de contrat.
Il est possible d’insérer dans les contrats de travail une clause de non-concurrence grâce à laquelle les anciens salariés sont tenus de s’abstenir de tout acte de concurrence. Les clauses de licéité des clauses de non-concurrence demeurent cependant complexes et veiller à leur respect total est important pour éviter tout risque de nullité.
Les entreprises concurrentes
Un détournement de clientèle est à même de constituer une faute et, dans certains cas, une faute lourde de la part d’un employé. Cependant, il peut être encore plus difficile à appréhender lorsqu’il est commis par une entreprise concurrente. Il existe heureusement des dispositions légales sur lesquelles se baser pour établir une tentative de détournement de clientèle.
L’imitation, lorsqu’elle est propre à semer la confusion dans l’esprit de clients, est considérée comme un acte de concurrence déloyale.
Le dénigrement consiste en la critique ouverte d’une entreprise, de ses activités ou de ses produits par le moyen de commentaires dégradants en ligne, de tracts ou de toute action publique.
La désorganisation est une autre pratique très utilisée par les entreprises qui emploient des stratégies de détournement de clientèle. Elle vise à fragiliser une organisation par différents moyens, l’un des plus habituels étant le débauchage massif de salariés.
Enfin, le parasitisme décrit une attitude passive par laquelle une entreprise profite de la notoriété de son concurrent.
Que faire lorsque l’on subit un détournement de clientèle ?
Comme nous l’avons exposé, il est indispensable de démontrer la présence d’actes illicites pour pouvoir accuser une personne ou une entreprise de détournement de clientèle. Il convient donc de rassembler des preuves explicites et objectives. Par exemple, si une partie de votre clientèle décide de suivre l’un de vos employés après son départ, ce n’est pas nécessairement de son fait.
C’est la raison pour laquelle il est préférable de bénéficier d’un accompagnement lorsque l’on souhaite enclencher une procédure. Un investigateur professionnel connaissant parfaitement la loi sera à même de vous aiguiller quant à la marche à suivre. Il identifiera pour vous les éléments qui pourront servir de levier et vous aider à obtenir la cessation des actes, la publication de la décision de justice dans des journaux officiels, voir le versement de dommages et intérêts si le préjudice subi le justifie. Un salarié en poste pourra, de la même manière, être licencié pour faute grave. Quant aux abus de confiance, ils peuvent entraîner des sanctions pénales.